Le roi des montagnes russes

Marat Safin a raccroché la raquette depuis deux ans mais il a laissé son empreinte dans le monde du tennis. Celle d’un talent souvent mal exploité.

 

Marat Safin naît le 27 janvier 1980 à Moscou, alors que la capitale russe prépare les Jeux Olympiques d’été prévus pour juillet. Le petit garçon, originaire du Tatarstan, région centrale dela Russie, jouait déjà avec une raquette à l’âge où les enfants s’amusent encore avec un hochet. Il jouera tous les jours de son enfance. Son père, Mikhail, dirige le club de tennis local, le Spartak Tennis Club, et sa mère, Rausa, est l’entraîneur de toute une génération de joueuses russes parmi lesquels sa propre fille Dinara, Elena Dementieva ou Anna Kournikova. Cette dernière eut le « privilège » de faire pleurer le jeune Marat, qui perdit contre la petite blonde lorsqu’il avait 9 ans. La « plus grande honte » de sa carrière, a-t-il dit un jour.

À 14 ans, il prend la décision (ou plutôt ses parents la prennent pour lui) de devenir joueur de tennis professionnel. Il délaisse donc Moscou et sa froide Russie pour le soleil et les courts en terre battue de Valence en Espagne. Il rencontre Rafael Mensua, qui deviendra son mentor et l’accompagnera dans son apprentissage et dans ses premières années de professionnel. Pendant ces trois années en Espagne, il croise la route de ses futurs adversaires sur le circuit ATP Juan Carlos Ferrero, Tommy Robredo ou Carlos Moya.

Le 14 juillet 1997, Marat Safin joue son premier match professionnel lors du tournoi de Scheveningen (Pays-Bas), qu’il remporte et ne s’incline qu’en demi-finale. Il enchaîne les tournois avec plus ou moins de succès, intègre l’équipe de Russie de Coupe Davis et se qualifie pour le tableau principal de Roland Garros en 1998. Il fait des étincelles sur la terre battue parisienne en éliminant successivement André Agassi, 6e mondial, et Gustavo Kuerten, le tenant du titre, avant de perdre en huitièmes de finale face à Cédric Pioline. Fin 1998, il fait son entrée dans le Top 100 de l’ATP pour ne jamais plus en sortir.

Le début de la gloire… et des déboires

 

L’année suivante, Safin remporte son premier tournoi professionnel à Boston et atteint la finale du Masters Series de Paris-Bercy où André Agassi se venge de sa défaite cuisante de l’année précédente dans cette même ville. 2000 représente l’année de la consécration dans la carrière du moscovite : 7 titres remportés sur terre battue ou sur dur et un premier titre du Grand Chelem après un début de saison plus que médiocre. A New York, il bat l’idole locale, Pete Sampras, sur le court de Flushing Meadows et devient le premier russe à compter l’US Open parmi son palmarès. Cette victoire lui permet d’atteindre la première place du classement ATP.

Il est déjà connu pour son caractère survolté. En témoignent les nombreuses raquettes cassées depuis le début de sa carrière. On parle aussi de lui pour son côté fêtard, sa passion des belles voitures et des jolies filles. Marat Safin nourrit autant les pages Sport que les pages People, ce qui nuit à sa réputation. On ne dénigre pas son talent mais sa personnalité le dessert et la suite de sa carrière, en dent de scie, en pâtit. Dès 2001, les résultats sont déjà moins fulgurants. Son meilleur résultat en Masters Series est un huitième de finale à Paris. Il est battu en demi-finale de l’US Open par un Pete Sampras revanchard qui s’inclinera une nouvelle fois en finale deux jours plus tard face à l’australien Lleyton Hewitt.

2002 est une année positive, même s’il ne remporte qu’un seul tournoi, le Masters Series de Paris-Bercy. Le russe atteint les quarts, voire les demi-finales des autres différents tournois catégorisés Masters Series. Il se qualifie pour les demi-finales de Roland Garros face au futur vainqueur de l’épreuve Juan Carlos Ferrero et dispute la finale de l’Open d’Australie. Mais de quoi se rappelle-t-on aujourd’hui de cette finale à Melbourne ? Du jeu médiocre de Safin face à Johansson ou de la blonde plantureuse que le cameraman se faisait un plaisir de filmer pour profiter de sa robe trop petite et de son décolleté trop grand ? La réputation de Don Juan de Safin lui fait encore une fois du tort…

Quelques étincelles puis l’oubli…

 

L’année 2003 est une année noire pour Marat Safin. Il se blesse constamment et ne joue que 25 matchs dont plus de la moitié se termine en défaite. 2004 lui permet de revenir au top du tennis mondial. Dès janvier, il participe à la finale de l’Open d’Australie mais s’incline contre l’imbattable Roger Federer. Il atteint le dernier carré de quelques tournois et atteint quasiment la perfection à la fin de l’année lorsqu’il remporte consécutivement le Masters Series de Madrid et de Paris-Bercy. La suite victorieuse continue début 2005 lorsqu’il remporte enfin, après trois essais, l’Open d’Australie. Il se qualifie pour la finale à Melbourne au terme d’un match de légende face à Roger Federer et s’impose face à l’icône locale, Lleyton Hewitt, le dimanche 30 janvier 2005.

Ce titre en Océanie est le dernier que remportera Safin. Dès février, il se blesse. Il ne sortira plus la tête de l’eau, enchaînant les mauvaises performances et les périodes de repos. Jusqu’à la fin de sa carrière, son corps sera son pire ennemi. Il le laissera tranquille quelques fois, comme lors dela Coupe Davis 2006 qu’il remporte avecla Russieou pendant ce Wimbledon 2008 où il atteint les demi-finales avec son jeu exceptionnel. Mais Safin n’a plus la motivation. Il n’en peut plus du tennis. Il joue depuis si longtemps qu’il n’a plus l’amour de la petite balle jaune. Il veut voyager, découvrir de nouveaux horizons, vivre. Fin 2009, à Paris, la ville qu’il adore, il tire sa révérence à 29 ans. Un âge si jeune pour prendre sa retraite…

Depuis, Safin travaille pour faire connaître son sport dans la vaste Russie. Vice-président de la fédération russe de tennis, on le voit souvent dans les gradins à Moscou, à Roland-Garros, à Londres ou en Chine. Il est toujours une des personnalités préférées du peuple russe et va bientôt faire appel à leurs voix. Marat Safin a annoncé qu’il briguait un siège àla Douma, la Chambre Basse russe. Il se lance donc dans une compétition d’un nouveau genre. Safin serait-il le futur Poutine ?